Antoine Gérard

Interview Antoine Gérard

Vie en résidence

Mis à jour le 17 janvier 2017

Doctorant en sociologie de l’Université de Tours, Antoine Gérard a écrit un rapport sur le rôle des Résidences Services Seniors dans la gestion du vieillissement. Il répond à nos questions.

Au regard des évolutions récentes dans le champ gérontologique, le sociologue Antoine Gérard s’est interrogé sur le rôle joué par les Résidences Services Seniors (RSS) dans la gestion du vieillissement. Son travail a abouti à la publication d’un rapport publié par la RFAS (Revue Française des Affaires Sociales).

DOMITYS : Comment les seniors que vous avez rencontrés appréhendent-ils leur vieillissement ?


Antoine Gérard : Dans cette étude, j’ai cherché à comprendre la place qu’occupaient les RSS pour les personnes âgées et leurs proches, au moment où se pose la question du choix entre le maintien à domicile ou l’aménagement en RSS.
Les personnes rencontrées avaient systématiquement une vision linéaire de leur vieillissement et cherchaient à rompre avec ce processus de dégradation des capacités physiques et cognitives qui risquait de les mener dans un EHPAD, ce qu’ils cherchaient à tout prix à éviter. L’entrée en RSS se caractérisait ainsi toujours par :

  • une réaction à un problème rencontré au domicile (solitude, insécurité, ennui, éloignement des services d’aides et de soins, etc.).
  • une anticipation d’une perte le contrôle si rien n’était fait. Venir en RSS signifiait garder le contrôle sur sa vie et éviter l’entrée en EHPAD.
D : Et avaient-elles raison de penser cela ?

A.G : Les résidents des RSS ne sont pas dans le déni de leur vieillissement mais dans la conviction que vieillir réserve encore de belles choses à faire et à découvrir. Ils cherchent pour cela à conserver (ou reprendre)  la main sur leur vie et pour longtemps. C’est d’ailleurs l’engagement des RSS aux résidents : aider à mobiliser l’ensemble des soutiens offerts par le champ gérontologique pour qu’ils puissent rester chez eux le plus longtemps possible.

D : Les RSS peuvent-elles ralentir la perte d’autonomie ?


A.G : Nous en sommes convaincus. La prévention se découpe en trois types de logiques distinctes :

  • La prévention primaire, qui vise à protéger la population d’un risque. L’architecture et les services d’assistance d’une RSS permettent de réduire le nombre de chutes et leur gravité, réduisant ainsi le risque de dépendance.
  • La prévention secondaire, qui consiste à agir aux stades précoces d’une situation ou maladie pour rompre le processus de morbidité. En offrant des opportunités d’engagements relationnels et en participant à la recomposition des réserves physiologiques par une alimentation équilibrée et une activité physique et cognitive adaptée, les RSS permettent de rompre le cercle vicieux de la fragilité.
  • La prévention tertiaire, qui consiste à limiter les conséquences d’une situation sur la vie quotidienne. les RSS facilitent  par exemple l’organisation des soins par de la coordination ou de l’aide à la mobilité.

Il est important de noter que les RSS font du bien vieillir un nouveau cadre pour penser la prévention de la dépendance. Jusqu’à maintenant, les budgets « prévention » avaient une finalité purement biologique axée sur la réduction de consommations dangereuses (alcool, tabac), sur l’hygiène de vie (campagne manger-bouger) ou sur le dépistage (campagne octobre rose, mars bleu). La notion de bien vieillir rompt avec ce paradigme pour s’inscrire dans une démarche de promotion du bien être même aux grands âges de la vie et mettre l’individu au centre de la démarche prévention (et non plus la maladie).
Nous travaillons actuellement à mesurer les gains en termes d’espérance de vie sans incapacité grâce aux résidences seniors.

D : Le rôle des résidences seniors va-t-il évoluer dans les prochaines années selon vous ?


A.G : Les RSS vont avoir d’autres rôles à jouer dans le champ gérontologique, notamment grâce à leur offre de séjours temporaires :

  • En sortie d’hospitalisation. Certaines RSS proposent des séjours temporaires pour éviter les risques psycho-sociaux ou sanitaires liés à un retour à domicile trop rapide.
  • Aide et répit des aidants. Grâce à leurs séjours temporaires,  les RSS semblent tout à fait aptes à offrir le répit et le soutien que les aidants attendent.